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Culture

Demuja : « J'ai l'impression de devenir de plus en plus spirituel »

Le DJ et producteur se livre à coeur ouvert et fait le point sur sa carrière et ses aspirations

  • Camille-Sarah Lorané
  • 7 March 2022

Demuja nous partage des fragments de son passé et des indices sur ses projets futurs

Bernhard Weiss, a.k.a. Demuja, est un DJ et producteur autrichien qui a su colorer la scène House de ses nappes envoutantes. Son parcours a été riche en expérimentation musicale, passant de la House classique à des tracks plus Hip-Hop and Drum’n’Bass. Le succès de son morceau 'Do You Want My Love'' a confirmé son rôle dans le paysage la musique électronique. Il nous a accordé une interview dans laquelle on découvre un peu plus la personnalité de cet artiste touche à tout. Tantôt pro du breaking, graphiste, ou passionné de cinéma, il nous révèle ainsi toute l'étendue de ses talents avant de jouer pour notre évènement Electronic Subculture ce 10 mars 2022. Il se produira aux côtés de Charly&Scotch au creux des Alpes au club mythique de la Folie Douce.


Quelle a été ta première expérience avec la musique électronique ?

Je pense que ma première expérience était dans un petit club, le Postkutsche Mattsee dans la campagne en Autriche. Ils jouaient toutes sortes de musique électronique et beaucoup de Drum'n'Bass aussi.
Il faut savoir que c'était avant que l'EDM ne soit à la mode, au début des années 2000. Avoir quelque chose comme ça m'a beaucoup influencé. En plus de cela, en tant qu'ancien breakdancer, voyager beaucoup avec mon crew et aller à des battles dans différents pays était aussi une grande expérience et un grand pas dans le monde électronique. Même si la plupart des soirées étaient des soirées Hip-hop & Funk, il y a aussi eu quelques soirées house.

Ton père est un musicien, et ta mère une chanteuse, que t'ont-ils appris ?

Oui, mon père jouait de la batterie dans un groupe de cuivres/folks, ma mère était chanteuse dans une chorale à l'église et ma soeur jouait de la guitare. Il était donc prévisible pour moi de faire aussi quelque chose avec la musique. J'ai commencé à apprendre la batterie à l'âge de 7 ans, et j'ai commencé à jouer dans des groupes de percussion et des groupes à l'âge de 11 ans.
Même si je ne joue plus de la batterie, cela m'a été très utile pour comprendre le rythme, la structure de la musique et être ouvert à tous les styles de musique, comme le Jazz ou le Funk. Ce qui est assez rare dans les campagnes à cet âge !

Peux-tu nous parler de ton expérience en tant que breakdancer ?

Être un Bboy a certainement été très formateur dans ma vie. Cela m'a vraiment montré qu'il faut s'entraîner très dur et intensément pour devenir bon dans quelque chose. En tant que Bboy, nous nous entraînions TOUS les jours pendant environ 3 heures. Peu importe si c'était Noël ou si j'avais un test à l'école le lendemain. Et c'est quelque chose que j'ai gardé avec moi, et ce, aussi pour ma musique. Faire de la musique tous les jours, s'améliorer, quoi qu'il arrive... je pense qu'on n'en sait jamais assez ! Il y a une place infinie pour s'améliorer et améliorer ses compétences. Surtout de nos jours, les gens sont toujours capables de se présenter de la "meilleure" façon, même si parfois ce n'est pas vrai à 100%.

En tant que Bboy, vous êtes aussi bon que vous l'êtes sur la piste de danse. Il n'y a pas de faux semblant, tout le monde peut voir immédiatement à quel point vous êtes bon (ou pas), et je pense que cela me manque un peu dans notre scène musicale aussi. Après avoir été un Bboy, j'ai commencé à mixer pour quelques battles House dance à travers l'Europe, et j'ai vraiment aimé ça. C'est très différent d'une soirée dans un club "normal", mais je pense qu'il y a beaucoup à apprendre de la communauté de la danse. Par exemple, ne pas toujours faire face au DJ dans un club, et juste profiter de la nuit avec ses amis, danser avec eux.

Comment crées-tu ta musique ? Est-elle liée à tes émotions ou as-tu des images qui te viennent à l'esprit ?

Je joue juste un peu. Je n'ai aucune idée de ce que je vais faire quand je commence. La plupart du temps, je joue juste avec une batterie, et dès que j'ai un rythme que j'aime, les choses "arrivent" naturellement. Mais la plupart du temps, c'est juste un sentiment. Peut-être que j'ai encore l'énergie d'une soirée tenue la veille dans ma tête, ou c'est très tôt le matin et j'aime juste me détendre avec un café et faire quelque chose.

Comment pouvez-vous décrire votre évolution artistique ?

Je pense que mon style artistique a un peu changé, surtout pendant la pandémie. J'aime toujours la house classique (et vous entendrez toujours quelques morceaux dans mes sets), mais je me suis aussi intéressé de plus en plus à l'Italo/Disco des années 80. Pour moi personnellement, il est très important d'aller de l'avant et de s'améliorer en tant qu'artiste, même si parfois ce n'est pas la meilleure décision pour un DJ ou pour ma carrière.

Quelles sont tes autres passions ?

J'aime beaucoup le cinéma. C'est quelque chose qui m'a toujours attiré, et je veux certainement en faire plus dans ce domaine à l'avenir.

Le clip de Love Is Free est réalisé par Greg Barnes de l'agence Black Dog Films de Ridley Scott et vous êtes un fan de Quentin Tarantino. Quelle est votre relation avec le cinéma ou la réalisation de films ?

J'aime tout ce qui touche à la réalisation de films. Même si je n'ai réalisé que quelques clips et travaillé en tant que directeur de la photographie sur quelques courts métrages, le "monde du cinéma" dans son ensemble est quelque chose qui m'attire.
Je suis également très heureux d'avoir commencé à travailler avec Greg, car nous partageons la même idée visuelle et le même état d'esprit sur la réalisation de films, et j'aime beaucoup ses vidéos. Je suis sûr qu'à un moment donné, nous ferons quelque chose de plus grand ensemble.


Tu fais tes propres vidéos, tes propres œuvres d'art et tu as ton propre label... pourquoi est-ce important pour toi d'être indépendant ?

Je pense que c'est une question de liberté visuelle et musicale. Pouvoir faire à 100% ce que l'on a en tête est très important pour moi. Bien sûr, en tant qu'ancien graphiste et producteur vidéo, c'est un peu plus facile, parce que je n'ai pas à demander aux autres tout le temps. Mais je pense que c'est quelque chose que je recommanderais à tous les artistes en devenir : essayez de faire le plus de choses possible par vous-même ! C'est 100% vous, VOUS l'avez fait ( et vous économisez de l'argent ).

Tu es également graphiste ? Quelle est ton approche de l'art ?

Je ne suis pas quelqu'un de très porté sur l'art, mais j'apprécie l'art de qualité et j'y suis très ouvert. Et j'aime quand les choses sont belles visuellement, que ce soit des graphiques, des vidéos ou des vêtements.

Tu as partagé une photo de ton studio sur Facebook, quelles sont tes machines préférées ?

J'aime beaucoup ma NI Maschine et aussi mon Korg Prologue (que l'on peut d'ailleurs entendre dans presque tous mes morceaux).

Tes tracks sont good vibes et peuvent nous mettre dans une sorte de transe, quel est ton rapport avec la spiritualité ?

J'ai l'impression de devenir de plus en plus spirituel en ce moment, cela vient peut-être aussi avec l'âge (rires). Mais pour moi c'est vraiment une question de bon équilibre dans la vie.

Comment as-tu vécu l'opportunité d'être résident au Badaboum ? Comment as-tu choisi tes artistes ?

C'est un plaisir d'être résident du Badaboum. Leur programmation et leur line up sont incroyables, je suis donc heureux d'en faire partie. Choisir les bons artistes est très délicat, il y a tellement d'artistes que j'aimerais avoir et que j'aimerais faire venir à Paris. Je ne suis donc pas encore sûr à 100% de qui je vais essayer de faire venir... mais la liste est longue !

Quels sont tes futurs projets ?

J'ai un EP nommé "Poolside" qui sort le 1er avril. Avril, dont je fais don de tout l'argent pour les gens en Ukraine. Vous pouvez déjà trouver la précommande sur Bandcamp. Et à part ça, il y a beaucoup de choses en préparation, mais rien qui vaille la peine d'être mentionné pour le moment.

Propos recueillis par Camille-Sarah Lorané et traduit de l'anglais le 07/03/22


English version :

Bernhard Weiss, a.k.a. Demuja, is an Austrian DJ and producer who has colored the House scene with his bewitching layers. His career has been rich in musical experimentation, moving from classic House to more Hip-Hop and Drum'n'Bass tracks. The success of his track 'Do You Want My Love' has confirmed his role in the electronic music landscape. He did us the honor to grant us an interview in which we discover a little more the personality of this artist touches everything. As a breakdancer, a graphic designer, or a passionate about cinema, he reveals us all the extent of his talents before playing for our Electronic Subculture event on March 10th, 2022. He will perform alongside Charly&Scotch in the hollow of the Alps at the mythical club La Folie Douce.

What was your first experience with electronic music ?

I think my first experience and access was at a small club (Postkutsche Mattsee) in the countryside in Austria. They played all kinds of electronic music and a lot of Drum'n'Bass as well. You have to know, this was before EDM was big, early 2000. Having something like that was really influencing me a lot.
Besides that, as a former Breakdancer, traveling a lot with my Crew and going to battles into different countries was also a great experience and a great step into the electronic world. Even though most parties were Hip-hop & Funk-nights, there have been some house-nights as well.

Your dad is a musician, and your mom a singer, what do they taught you ?

Yep, my dad played drums in a brass/folks-group, my mum is a singer at a choir at the church and also my sister played guitar. So for me it was foreseeable to do something with music as well. I started learning drums at the age of 7, and started playing in percussion-groups and bands at the age of 11. Even though I'm not playing drums anymore, it was super helpful to just understand rhythm, the structure of music and being open to all styles of music, like Jazz or Funk which is pretty rare in the countryside with that age.

Can you tell us about your experience as a breakdancer ?

Being a Bboy was definitely very formative in my life. It really showed me that you have to practise very hard & intensely to become good at something. As a Bboy, we practised EVERY day for around 3 hours. No matter if it's christmas, or if i had a school-test the next day. And that's something I took with me and also for my music.
Making music every day, getting better... no matter what. You can never know enough, there is endless room to get better and improve your skills. I think, especially nowadays, people are always able to present themselves in the "best" way, even though sometimes it's not 100% true. As a Bboy, you are only as good as you are on the dance floor. There is no fake, everyone can see how good you are (or not) right away, and I think I'm missing that a little bit in our music scene as well. After being a Bboy I've started to spin for some Housedance-Battles all around Europe, and I really loved it. It is very different to a "normal" club night, but I think there is a lot to learn from the dance-community. For example not always facing the DJ in a club, just enjoy the night with your friends, dance with them.

How do you create music ? Is it linked to your emotions or do you have images that come to your mind ?

I just play around. I have no idea where to go when I start. Most of the time I just play around with drums, and as soon as I have a rhythm I like, things kind of "happen" naturally. But most of the times, its just a feeling, maybe I still have the energy in my head from a night-out before, or its very early in the morning and I just like to chill with a coffee and make something.

How can you describe your artistic evolution ?

Especially during the panadamic, I think my artistic style changed a little. I still love classic house (and you will always hear a couple of tracks in my sets), but I also got more and more into 80s Italo/Disco. For me personally, it is very important to move forward and improve as an artist even though sometimes it might not be the best "move" for a DJ or my career.

What are your other passions ?

I'm really into film. Its something, which alway catched me, and I definitely want to do more in that area in the future as well.

The clip of Love Is Free, is directed by Greg Barnes of Ridley Scott’s Black Dog Films agency and your a fan of Quentin Tarantino. How do you relate with cinema or film making ?

I just love everything when it comes to film making. Even though I've only directed a couple of music videos and worked as a DP on some short films, the whole "world of movies" is just something which catches me. I'm also very happy I've started working with Greg, as we also share the same Visual idea & mindest on film making, and I really dig his videos. So i'm sure at one point, we will make something bigger together.

You’re making your own videos, artworks, and you have your own label... why is it important to you to be independent ?


I think it's all about my visual and musical freedom. Being able to 100% do what you have in mind is very important for me. Of course for me, as a former graphic designer & video producer, it's a bit more eary, because I don't have to ask other people all the time. But I think that's something I would recommend to all upcoming artists - try to do as much on your own as possible: its 100% you, YOU did this (and you save money).

You are a graphic designer ? What is your approach to art ?

I'm not someone who is highly into art, but I do appreciate good art and I'm very open to it. and I love it when things look good visually (be it graphics / videos or clothes).

You shared a picture of your studio on Facebook, what are your favorite machines ?

I do love my NI Maschine & also my Korg Prologue (which you can hear in almost all my tracks somehow)

Your tracks give good vibes and can get us in sort of trance, how do you relate with spirituality ?

I feel I'm getting more and more spiritual at the moment, it maybe also comes with age (laughs), but for me it really is all about the right balance in life.

How is it to be Badaboum's resident ? How did you choose your artists ?

It's a pleasure to be a Badaboum resident. Their programming and line up is amazing, so I'm happy to be part of it.
Choosing the right artists is very tricky to be honest, there are so many artists I would love to have & would love to bring to Paris. So I'm still not 100% sure yet who I will try to bring, but the list is long.

What are your future projects ?

I'm having an EP named 'Poolside' coming out on 1. April, where I'm donating all the money for people in Ukraine. You can already find the preorder on Bandcamp. And besides that, there are a lot of things in the pipeline, but nothing worth mentioning yet.


Interview by Camille-Sarah Lorané on 07/03/22

Photo credits : DR Demuja



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