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Top 10 des meilleurs LPs de la scène électronique en 2018

Les plus pépites des sorties de cette année

  • Camille-Léonor Darthout
  • 15 December 2018

Notre sélection des 10 meilleurs albums de la scène internationale constitue la bande-son de 2018. Cette liste non-exhaustive est un portail spatio-temporel qui nous embarque dans une balade sonique étape par étape au cours de ces 12 derniers mois de sorties musicales.

Il y a eu les coups de promos mystérieux, les ovations sans précédents, les sorties timides mais engagées, du génie mais surtout, des moments très intenses sur les dancefloors du monde entier. Voici 10 albums qui ont marqué l’année 2018.

Cocoon Crush
Objekt, PAN

Cocoon Crush, c’est le deuxième album du producteur anglais Objekt. Quatre ans après son LP Flatland, TJ Hertz sortait de l’ombre avec 11 titres inédits parus en novembre sur PAN records. Connu pour des productions au style si singulier, entre IDM, Bass Music et Techno, Objekt nous a offert un album à l’atmosphère travaillé. Cocoon Crush est une réalisation plutôt obscure dans laquelle des consonances asiatiques font parfois échos aux basses saccadées et fuyantes, sûrement influencées par le Japon où est né le producteur. L’album est construit sur une continuité sonore et offre une BO musicale numérique mystérieuse, brute et parfois même expérimentale. Une réalisation qui nous ramène sur le dancefloor de Berlin Atonal cet été, lorsque Objekt présentait Cocoon Crush dans la ville qu’il a désormais adopté.

Qualm
Helena Hauff, Ninja Tune

La sortie du second album d’Helena Hauff Qualm a su se faire attendre. Une communication distillée au compte-goutte, d’extrait musicaux en short-film mystérieux via son alias HH253, la productrice de Hambourg a bien préparé le terrain pour cet LP qui, de par son nom, revendique un trouble intérieur interprété par des machines. Délicate dans sa création, accomplie dans l’utilisation de machines pour créer des nappes claquantes et des mélodies rétro-futuristes, Helena Hauff frappe fort. La productrice hambourgeoise a a sans nul doute marqué l’année 2018 et devient le visage de la couverture de Mixmag au mois d’août, à la sortie de Qualm.

Power
Lotic, Tri Angle

Trois années que Lotic se faisait discret en matière de production. Depuis son EP Heterocetera paru sur le label new-yorkais Tri Angle. Power était donc, comme son nom l’indique, un retour en force du producteur natif de Houston désormais basé à Berlin. Un deuxième album également signé sur Tri Angle, qui révèle la personnalité artistique d’un producteur en marge de la société et surtout, des diktats de l’industrie. Les combinaisons de Lotic pioches à la fois dans ses influences musicales variées du noise au r’n’b tout en gardant une distance certaine, et c’est assez singulier de parler en ces termes lorsqu’il s’agit d’un album produit sur ordinateur, avec ce qui se fait dans la musique électronique. Chaque morceau de Power est un nouvel épisode sonique expérimental, qui donne la voix à une batterie folle dans ‘The Warp and the Weft’ et qui en un claquement de doigt, laisse place à la mélancolie de ‘Resilience’. Lotic est un producteur imprévisible, guidé par ses propres codes qui n'empruntent ni à la scène américaine qui l’a vu naître, ni à la scène allemande qu’il a adopté. Beauté.

Compro
Skee Mask, Ilian Tape

Skee Mask est encore jeune, mais prouve en un nouvel album, qu’un producteur n’a pas besoin d’avoir vécu une époque pour en retranscrire l’essence même. Compro est un doux voyage dans ce qui était à l’époque de Warp Records dans les années 90 était l’IDM, avec une texture beaucoup moins syncopée. Du breakbeat auquel il nous avait habitué, il n’en reste plus qu’un vague souvenir. Vague, comme ce son organique tiré des océans qui enveloppe par moment les oreilles, dans cette balade sonique intense. Le génie de Skee Mask est incontestable pour son retour sur Illian Tape, qui tire même quelques commentaires bien pensants sur Discogs : «peut-être le meilleur album des adolescents de ce jeune siècle».

Khonnar
Deenah Abdelwahed, InFiné

Le nom de l’album pourrait tirer un sourire aux francophones, et ce serait presque justifié. Khonnar, premier LP de la productrice tunisienne Deenah Abdelwahed, est un mot tunisien qui invoque les non-dits. Alors par ce mot, Deenah Abdelwahed parle de maux de la société qui l’a vu grandir, s’affirme en tant qu’artiste en prêtant sa voix aux beats techno qu’elle conçoit en live. Khonnar est un album d’écoute, qui s’intensifie de morceaux en morceaux, pour porter un discours à la fois personnel mais quelque part engagé. La techno est sublimée, par ce grain oriental dans la voix de la nouvelle résidente de Concrete. InFiné a capté le talent d’une prodige de la scène alternative tunisienne en plein envol.

Nuova Napoli
Nu Guinea, NG Records

Il y a deux ans, Nu Guinea connaissait le succès avec un album co-produit avec le batteur de Fela Kuti Tony Allen. Décidés à revenir puiser leur inspiration dans leurs racines après avoir parcouru le monde à la recherche des meilleures sonorités, le duo s’est attaché à l’héritage boogie de leur ville d’origine, Naples, pour leur nouvel album Nuova Napoli. En s’entourant d’un groupe de musiciens pour certains issus de la scène napolitaine contemporaine, Massimo Di Lena et de Lucio Aquilina nous replongent dans les années 70 et 80. De longues recherches sur le mouvement emblématiques de la scène musicale italienne façonne les acoustiques de cuivres et de cordes au rythme de beats rebondis de grosses caisses qui résonnent comme des hymnes à la joie. S’ils sont désormais installés à Berlin, les deux producteurs offrent des grooves fidèles à leurs racines, auxquels s’ajoutent toutefois de nouvelles sonorités tropicales. Un rayon de soleil dans les oreilles.

Portrait With Firewood
Djrum, R&S

Le retour de Djrum avec un album sur le légendaire label R&S ne pouvait qu'annoncer une imminente pépite. Mais la réalité en était bien plus belle, puisque c’est très certainement la meilleure réalisation de sa carrière que Djrum a dévoilé avec Portrait With Firewood. La pochette de l’album prévenait d‘ores et déjà la singularité du LP : des dessins primitifs sur fond de couleurs vives qui évoquent le thème principal de l’album, la recherche de la condition humaine. Portrait With Firewood dévoile une nouvelle facette de la personnalité musicale de Djrum issu d’une formation jazz et pianiste. Loin du sample Amen Break qui façonne la culture Bass Music anglaise qui a rythmé sa carrière, l’Anglais Félix Manuel dévoile la réalisation la plus personnelle qu’il ai eu l’occasion de réaliser. Un LP qui fait la part belle aux émotions et à la poésie, pour lequel l’artiste s’est rapproché de son instrument de prédilection et en s’inspirant principalement du travail de la performeuse Marina Abramovic qui a dédié sa carrière à des expérimentations artistiques autour des limites du corps et de l’esprit. Dans sa recherche de la beauté et quelque part d’une vérité, Djrum s’entoure de la violoncelliste Zosia Jagodzinska et de la chanteuse Lola Empire et offre 9 morceaux tout bonnement sublimes.

Knock Knock
DJ Koze, Pampa Records

DJ Koze est dans son monde. Un monde où s’entrecroisent hip-hop, disco, soul, techno, voix, acoustique : bref, un monde riche. Son nouvel album Knock Knock en est l’exemple parfait, un monde où il n’y a définitivement que les règles Stefan Kozalla qui sont en vigueur. Sorti sur le label de DJ Koze Pampa Records, ce nouvel LP est construit lentement, plus de cinq ans. Le producteur allemand ne déroge pas à sa règle et s’entoure d’un casting complet. On reconnaît la voix fantomatique de Bon Iver sur ‘Bonfire’, la chanteuse irlandaise du groupe Moloko Róisín Murphy et l’élégante et mélancolique Sophia Kennedy. Chaque morceau tourne une page, fenêtre sur un nouveau monde façonné par un intervenant différent. Une accumulation d’inspirations et de sonorités, composées d’une multitude de détails et de textures. Un LP complexe et pourtant si facile à écouter, un travail surprenant et perfectionniste. DJ Koze nous tend la main et nous emmène sillonner un nouvel horizon, le sien.

Cerebral Hemisphere
Mr Fingers, Alleviated records

Cerebral Hemisphere est le premier LP de Mr Fingers en presque 25 ans. Larry Heard à beau être la figure emblématique de la dance music à travers le monde, ce nouvel album sort clairement des sentiers battus de virées nocturnes. Une heure quarante de balade dans les rues de Chicago, tempo lent, loin de la house music des années 90 qui remplissaient les dancefloors des clubs les plus réputés. En réalité, Larry Heard ne signe pas son retour en juxtaposant une flopée de nouveau classique house. Il façonne une ambiance sensorielle singulière. Inspirée du jazz et de la soul, Cerebral Hemisphere s’écoute plus qu’il ne se danse, se vit plus qu’il ne se ressent. Une atmosphère cristalline et nonchalante, signature de Alleviated Records la maison dédiée au travail de Larry Heard. Un album qui traduit toute la densité artistique de la carrière de ce producteur de génie, qui oscille entre des morceaux organiques instrumentaux et parfois chantés comme ‘Crying Over You’ et des tracks électronique et plus mentaux comme ‘Qwazars’. Un album profond, mélancolique et soul.

A Love I Can’t Explain
dBridge, Exit Records

Il aura fallu attendre une décennie pour que le pionnier de la drum’n’bass dBridge refasse surface avec un nouvel LP en solo. Depuis The Gemini Principle, le producteur anglais enchaîne les collaborations, notamment un mini album produit avec Kabuki sorti l’an passé. C'est pourtant bien seul que Darren White signe son retour en 2018 avec A Love I Can’t Explain, acté en 13 tracks. Les collaborations sont toujours d’actualités, notamment avec le designer sonore dublinois Lewis James, mais le style de dBridge a quelque chose de changé. La drum’n’bass n’est plus si évidente et laisse place à un downtempo que A Love I Can’t Explain met en scène en deux parties. Une première moitié angoissante et futuriste, qui rappelle parfois un post-dubstep ralenti et extra-terrestre. L’arrivée de 'Poison Arrow & They Live' au sixième track, fait prendre à cet LP un nouveau tournant. Plus organique, peut-être plus terrestre. Une lumière apparaît, des synthés s’éveillent, comme dans ‘Lost in a Memory’. Les beats ont disparu et tout s’éclaire, comme si cette deuxième partie d’album n’avait plus rien avec la musique qui la précédente. Un changement d’ambiance progressif, émotif et insoupçonné.

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