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L’attaque des clones : copier une setlist n'est pas un substitut au talent du DJ

L’identification des morceaux en ligne pose problème à certains DJs

  • Michael Lawson • Illustration : Alex Jenkins
  • 27 June 2017

Si vous avez mis un pied dans un club européen ces derniers mois, il est plus que probable que vous avez entendu les sons de cloche si caractéristiques du ‘Rectum’ de Fango. Joy Orbison l’a joué. Ben UFO l’a joué. Gerd Janson l’a jooué. C’est devenu le pilier d’innombrables DJ sets, et c’est un moyen infaillible de faire monter la température d’un ou deux degrés sur le dancefloor. Mais qui l’a passé en premier ? Et est-il important que tous les prétendants au titre de DJ munis d'une clef USB et d'un t-shirt noir soient déjà dessus également ? Est-ce que les titres font le DJ ?

À l’ère de Shazam et de The Identification Of Music Group, il est devenu de plus en plus facile de retracer les morceaux joués par ses pairs. Ce qui faisait autrefois l’objet d’un secret bien gardé peut désormais faire surface et se répandre dans les sets du monde entier en un clin d’œil. Pour rappel, le IoMG est un groupe Facebook fermé où les clubbers curieux placent les vidéos prises en live de leurs DJs préférés pour demander à la communauté de 50 000 membres d’identifier le morceau enregistré.

Une nouvelle tendance qui met en péril l’avantage de certains DJs, en particulier ceux qui se sont fait une réputation pour jouer des tracks obscurs et inédits dans leurs sets. Cette catégorie de selectors cultive le secret autour de leurs armes à dancefloor de prédilection, ne les dévoilant que lorsque le public ne s’y attend pas et ils construisent leur identité autour de cette aura de mystère. Pour ces derniers, l’idée de rendre ces morceaux publics via IoMG avec la tracklist complète de leurs sets sur MixesDB est un nouveau développement aussi alarmant qu’importun.

L’un des DJs qui s’est exprimé publiquement sur le sujet est l’écossais Jackmaster. Sur ses réseaux sociaux le mois dernier, il a pointé du doigt les « DJs basiques à la réputation surfaite qui jouent des morceaux qu’ils ont repéré dans les vidéos de mes sets postés sur The Identification of Music Group. » On ignore à qui ce post était destiné en particulier, et il a été effacé quelques heures plus tard. Néanmoins, il illustre bien la frustration ressentie par certains membres de la communauté sur la facilité avec laquelle les DJ fainéants copient leur sélection au lieu d’aller trouver leurs propres inédits.

Le désir de préserver le secret de ses morceaux n’a rien de nouveau. À l'apogée du Northern Soul, la connaissance encyclopédique d’un DJ et sa collection unique étaient essentielles à sa carrière. Certains étaient peut être les seuls à posséder la copie d’un titre, et les organisateurs bookaient alors certains DJs simplement parce qu’ils possédaient ce morceau. Les flyers de soirées ne listaient pas simplement les DJs au line-up mais également les exclusivités rares qu’ils apportaient avec eux. Mais pour les nombreux DJs d’aujourd’hui qui ne jouent pas sur vinyle, le concept de chiner ses disques est devenu obsolète et le « crate-digging », soit fouiller les recoins des bacs de disques, se passe désormais sur e-Bay. En lieu et place, ils utilisent une multitude de ressources en ligne, dénichant leurs disques sur Discogs, YouTube et Spotify, partageant les morceaux à la sauvette sur des réseaux comme Soulseek. À l'heure où la musique précédemment restreinte à une poignée de copies pressées sur vinyl est désormais à portée de clic, il est facile de copier la set-list de quelqu’un, de la partager en vrai curateur d’un instant.

Mais pour pour tous les DJs qui critiquent cette tendance, un grand nombre d’entre d’eux l’ont accueillie comme une évolution naturelle. Beaucoup ont accepté que la quête de l’exclusivité est devenue de plus en plus stérile, et laissent leur talent de DJ parler pour eux. Pour un DJ en herbe, faire son travail de recherche, trouver son propre style et trouver des morceaux intéressants aidera certainement à devenir une force de proposition plus stimulante sur la scène - au lieu de se contenter de passer les titres que tout le monde joue.

« Tu ne peux pas devenir DJ en débarquant de nulle part et en attrapant les morceaux de quelqu’un d’autre au vol comme un attrape-rêve, » explique la légende du milieu et journaliste musical Tim Sheridan. « Tu ne peux pas honorer la profession si c’est trop facile. Être DJ, c’est faire figure d’autorité, et l'autorité vient avec l’immersion, pas attraper des mp3 comme des papillons avec un filet digital. »

Oui, il est plus aisé pour les plagiaires et autres copieurs de style de voler les morceaux de sets de grands DJs, mais est-ce là vraiment un gros problème ? Après tout, comme le veut le proverbe, n’importe qui peut chanter ‘My Way’ mais personne ne le chante comme Sinatra. Vous avez peut-être une clef USB remplie des morceaux de votre DJ préféré, mais pouvez-vous pour autant les mixer comme il le fait ?

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